16 avril 2009

Mes nuits sont aussi longues que vos jours

A Bobo-Dioulasso, bien des échoppes ont une double-vie.
Le jour, on y vend du Fanta, du Coca, du Nescafé. Quelques tables branlantes et cabossées posées à même la terre battue accueillent le client; un comptoir en bois et, fortune du lieu, un grand congélateur-bahut dans lequel refroidissent les boissons et sont maintenus des blocs de glace débités au marteau. Il est rempli à intervalles réguliers et il n'est pas rare qu'une bière soit servie partiellement sous forme de glace si le contenu est mal géré. Souvent, un stand de nourriture est à proximité, qui vend du - galettes de maïs, que l'on complète par du poisson et de la viande en sauce. L'acheteur ne possédant pas une assiette ou un récipient quelconque repartira avec un sachet en plastic noir. Une bonne ration revient à 500 francs CFA, soit 1 fr. 25.
Les nuits sont toutes l'année aussi longues que les jours et voient ces échoppes se transfromer en bars de toutes sortes où la boisson presque exclusive est la bière. Il s'en vend des hectolitres au mètre carré, d'autant que la norme est la bouteille de deux-tiers de litre. Les marques locales, ou présentées comme telles, sont la Brakina, la Castel et... la Guiness, vendues respectivement au prix de 500, 650 et 750 francs CFA la grande bouteille. Les prix sont les mêmes quel que soit le lieu, bar, maquis ou dancing. Il n'est pas rare qu'un de ces lieux ait épuisé son stock d'eau en bouteille, assez peu bue par les autochtones, mais jamais il ne manquera de bière, ce qui signiferait sa désertion immédiate.
Chacun a sa spécialité, toujours bruyante, et comme ils se succèdent les uns collés aux autres, il est difficile de savoir avec certitude si vous profitez des décibels du bar où vous êtes assis. Comme dans cet espace où les rangées de tables et de chaises font face à une petite télévision qui diffuse des films d'action érotico-violents, toujours surjoués et aux couleurs criardes. Les premiers rangs peuvent suivre les dialogues alors que les derniers voient les combats à coups de bâtons de kung-fu ou de pistolets-mitrailleurs au son de la musique du bar suivant. De toute manière, ces séries B sont faites pour pouvoir être suivies en ne saisissant qu'une réplique sur deux.
Le nombre de tables augmente par rapport à la journée, l'espace non protégé du soleil étant systématiquement mis à profit, jusqu'à la limite de la route. Et les brasiers, alimentés en bois ou en charbon, grillent poulets et gros morceaux de viande, choisis directement sur le grill par le client et consommés avec les doigts.
La bière est aussi la boisson de base des discothèques, espaces mieux délimités, avec piste de danse centrale, hauts-parleurs dont la principale qualité est l'intensité du bruit produit et DJ jonglant avec deux lecteurs CD, un micro, un casque et trois potentiomètres bricolés. La jeunesse s'y retrouve en tenue de sortie, les filles buvant parfoit des "sucreries", soit du Fanta ou du Sprite.
Le paiement de ses consommations, comme la consultation de la carte au restaurant dès 19 heures, vous donnent une idé de la vie d'un aveugle, aucune lumière autre que le maigre éclairage public n'illuminant les tables. De toute manière, quelles que soient les promesses de la carte, vous n'avez guère le choix qu'entre le poulet (grillé ou sauté) et le poisson (vapeur ou en sauce), avec riz, couscous ou éventuellement frites molles et grasses. Et comme on ne donne aucun pourboire, il vous suffit de faire semblant de vérifier avec le plus grand sérieux ce que l'on vous rend dans un petit panier en osier et de l'enfouir dans votre porte-monnaie pour vous tirer d'affaire.
Tout ceci dure jusqu'à l'aube, qui se manifeste vers 6 heures, où les travailleurs du jour, qui se lèvent tôt pour bénéficier de la lumière, remplacent rapidement les fêtards de la nuit.

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