13 avril 2009

Les épiciers

Balade à la nuit tombante dans un nouveau quartier de Bobo, fait de l'équivalent de nos villas – sans eau courante et avec toilettes/douche dans la cour -, de nos habitats groupés – trois à cinq habitations de deux à trois pièces collées se partageant cour et toilettes/douche, et de cases traditionnelles – une à deux pièces en enfilade, sans cour. A part dans les maisons de luxe, les toilettes, qui servent généralement aussi de douche, sont toujours communes: un trou dans le sol, parfois avec une brique de chaque côté pour poser les pieds, cachées par un mur ou une paillotte. Pas de papier, mais un récipient d'eau que l'on emmène avec soi et qui, posé vers l'entrée, signifie que l'endroit est occupé.
Les jeunes (mais y-a-t-il autre chose que des jeunes dans ce pays?) jouent au foot sur un terrain vague, à pieds nus ou en sandales en plastique, avec une habileté étonnante. Les buts sont constitués de deux briques posées en hauteur et mesurent moins d'un mètre de large.
Faïcal, 17 ans, a ouvert il y a quelques semaines une épicerie dans ce quartier en développement, qui n'est desservi par aucune route goudronnée. Les rayons sont encore peu garnis, car il ne disposait que de quelques milliers de francs CFA de son père pour constituer son fonds de commerce. Il achète donc en petites quantités, au fur et à mesure. Il va en ville à vélo et vend 325 ce qu'il y achète 300. Les clients viennent, et repartent avec une dose d'huile de coton dans un sachet en plastique ou une bouteille usagée de Fanta, quelques poignées de riz, un morceau de savon, deux cigarettes... En cas de consommation sur place, un briquet attaché par un élastique estv à disposition du client. Une cigarette coûte 25 FCFA, un paquet de vingt, 500. Pas de supplément pour la vente au détail, qu'il s'agisse de poudre à lessive, d'huile, de cube de bouillon... Chacun doit pouvoir acheter selon ses moyens du jour, sans être prétérité. Et bien rares sont ceux qui achètent en grande quantité – qui sait ce dont demain sera fait?
Pour compléter ses revenus, Faïcal a installé une table et un banc à l'extérieur, dispose d'un grand thermos d'eau chaude, et vend du café au lait, du Lipton (c'est ainsi que l'on appelle le thé) et du pain beurré. Le café est préparé dans un verre avec 4 cuillères à soupe de lait condensé et une cuillère à café de Nescafé. C'est, chaud, sucré et bon. Le beurre est en fait une préparation industrielle en boîte qui supporte la chaleur. Une voisine profite du passage pour vendre de l'eau en sachets, qu'elle confectionne elle-même et garde au frais dans une glacière.
L'épicier prend soin de ne pas délimiter le territoire qu'il utilise devant son épicerie pour la préparation de ses boissons. S'il le clôture, pose une enseigne, il devra payer des impôts, auxquels il échappe pour l'insant.
Nous quittons l'épicerie alors qu'un troupeau de buffles rentre à l'étable.
Plus près de la route, une autre épicerie donne l'idée de ce que deviendra celle que nous venons de quitter si le commerce fleurit. Les rayons sont bien garnis, l'huile est à disposition en tonneaux de 200 litres, la farine et le riz en sacs de 50 kilos. Mais chacun repart avec les mêmes petites quantités, juste ce qu'il faut pour le repas à venir. L'épicier ouvre à 7 heures du matin et boucle à 22 heures. Il mange sur place.
Nombreuses sont les personnes rencontrées qui rêvent de monter une affaire avec quelques milliers de francs CFA pour démarrer. Ils sont prêts à y travailler dur, pour sortir de l'incertitude dans laquelle ils vivent, gagner en indépendance vis-à-vis de leur famille, pouvoir faire un bon mariage ou s'éviter les heures de vélo pour aller chercher de quoi nourrir quelques chèvres et faire brûler le petit fourneau à bois extérieur sur lequel tous les repas son préparés.

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