Ils se marièrent donc et s'entendirent effectivement parfaitement bien dans leur trait commun. Les amis qui venaient pour manger repartaient le ventre vide et la famille du village, en visite pour un mois, rentrait après trois jours.
Un cousin du mari, qui n'ignorait rien de la réputation du couple, décide de s'en rendre compte par lui-même. Il se présente donc chez eux peu avant l'heure du repas, et s'arrange, alors qu'il se lave les mains, pour savoir ce que la femme est en train de cuisiner: c'est du brega, une préparation à base de graines de haricots. Avant le repas, il s'arrange pour parler de nourriture avec son cousin et, arrivant sur le sujet, lui dit: « Ah! Mon cousin, s'il y a un plat, un seul, que je ne peux pas manger, c'est bien le brega. Rien que d'y penser, mon estomac se noue, tant j'ai été malade la fois où l'on m'en a servi. »
Entendant cela, et pour bien exprimer sa méchanceté, le mari va dire à sa femme de servir du brega à son cousin. La femme demande: « Tu est bien sûr, mon mari? » « Oui, ma femme, tu verras, tu vas bien rire et tout le brega sera pour nous. »
Lorsque le repas est prêt, la femme s'assure encore auprès de son mari qu'il faut bien en proposer au cousin. Le mari confirme. La femme s'exécute donc, mais ne peut s'empêcher, de crainte de voir le cousin manger son brega, de dire qu'elle est désolée, mais que son plat est mauvais et qu'elle va devoir le jeter. Alors le cousin prend le plat et dit que, pour ne pas le perdre, il va le prendre avec lui au village et semer les graines, et qu'avec toutes ces graines, il deviendra certainement riche.
Le couple voit sa nourriture disparaître dans le sac du cousin mais n'ose se lamenter devant lui. La femme, pourtant, n'y tenant plus, révèle la vérité au cousin. Celui-ci ressort alors le brega de son sac et tous trois font un repas fort joyeux.
Cette histoire, c'est le professeur de droit qui la raconte, à l'Université polytechnique de Bobo-Dioulasso, pour illustrer son cours et distraire les étudiants entre deux moments de dictée studieuse, ponctuée par le seul bruit des stylos bic posés sur la table pour changer de couleur selon qu'il s'agit d'écrire un titre, du texte ou une citation... Il parlait en l'occurrence de la différence entre l'acte volontaire et le cas de force majeure dans le droit du travail.
Les chemins qui séparent les bâtiments permettent d'acheter de l'eau, du jus de fruit, des cacahouètes à des représentants du secteur informel. Tous se déplaçant autour du restaurant pour étudiants à l'heure du repas, pour améliorer l'ordinaire, constitué aujourd'hui de couscous, de sauce et d'un poisson sec et rachitique. Des enfants tendent des cornets en plastique à travers les fenêtres dans l'espoir de récupérer les restes.
Ici, le recyclage est une pratique innée.
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