31 janvier 2008

Mauvais pour avoir perdu ou pour ne pas avoir gagné?

Dans l'incroyable perte de 4.9 milliards d'euros de la Société générale par les agissements d'un trader fou (ou génial, s'il s'était arrêté à temps), on ne sait pas ce qui est le plus grave dans l'incurie de la banque: son incapacité à empêcher pareille dérive et un enchaînement de spéculations hors limite par une seule personne; ou d'avoir laissé passer un bénéfice qui atteignait à un moment semble-t-il 1.4 milliard d'euros.
Car ce que révèlent les extraits d'auditions de Jérôme Kerviel publiés par le Monde, et repris dans le Temps, c'est que le plus difficile n'a pas été de se constituer un "matelas" de 1.4 milliard d'euros, mais de le dissimuler parce qu'il était inexplicable au vu de la ligne dont il disposait, qui était de 20 millions...
Finalement, les contrôles par beau temps étaient peu sérieux, puisque les chefs du trader voyaient leur rémunération augmenter avec les résultats excellents (et partiels) qu'il avait annoncés. On peine à croire à tant de naïveté, mais il faut se rendre à l'évidence: la finance ressemble de plus en plus à un jeu où l'ego d'un homme, mélangé aux perspectives de gain de ses chefs et au manque de curiosité de l'organe de contrôle aboutit aux pertes que l'on sait.
Cette histoire montre aussi les risques de dérive du salaire au seul mérite: avec une rémunération de base de 48'000 euros et une perspective de complément de 300'000, comment ne pas recourir à quelques combines et à la constitution, justement, de matelas, ces gains camouflés à sa hiérarchie pour équilibrer pertes et gains sur la durée et garantir les bonus même en période de mauvais résultats.
Et comment en vouloir à un homme de se comporter en prédateur dans un milieu qui ne valorise que le résultat et qui l'aurait certainement porté aux nues s'ils avait su s'arrêter à temps.
Finalement, c'est une perte sèche que vont devoir éponger les actionnaires (petits et grands) et dans une moindre mesure les épargnants. Ce seront quelques francs de moins par mois sur les retraites de celles et ceux dont la caisse de pensions possédait des actions de la Société générale. Tellement dilué dans le nombre et dans le temps, que personne ne s'en souviendra au moment de "payer".


30 janvier 2008

Magasin général: joies et peines au Québec

Collaboration originale et concluante entre Régis Loisel et Jean-Louis Tripp pour produire la série de bandes dessinées Magasin général (chez Casterman). Contrairement à l'habitude, il n' y a pas un scénariste et un dessinateur, mais chacun des deux compères a participé au tout.
Résultat plaisant, avec la vie d'un village imaginaire du Québec d'Entre-deux guerres, la paroisse de Notre-Dame des Lacs. Trois épisodes, orientés sur un ou des personnages: Marie, la récente veuve qui tient le Magasin général, Serge, qui y fera une halte hivernale et forcée remarquée et y laissera traces et tracas, et enfin les hommes, qui supportent mal ce qu'ils considèrent comme un désordre qui se serait développé pendant leur absence en forêt.
Un langage savoureux, des dessins clairs, un réalisme qui transperce les cases et se conjugue à merveille avec la poésie qui préside à l'opération.
Les gens y sont comme partout, à la fois ordinaires et terriblement sentimentaux, durs dans le regard et tendres dans le coeur, persuadés qu'ils détiennent le secret de la vérité et de l'immortalité des habitudes quand ils ne rêvent qu'à un peu de changement et de nouveauté.
A lire et à voir plusieurs fois, pour savourer la richesse des mots et des couleurs.

19 janvier 2008

La voiture contre le commerce

Les grandes options de mobilité pour l'agglomération lausannoise ont été présentées, par le canton et les transports publics... Curieuse représentation, comme si les techniciens qui seront chargés de la mise en oeuvre des décisions étaient au coeur de la réflexion, qui devrait encore être, à ce stade, essentiellement politique. Manquaient les représentants communaux, aussi bien lausannois que de l'agglomération... Les querelles semblent difficiles à surmonter et l'absence d'une autorité régionale légitimée pour penser et mettre en oeuvre une politique des transports fait cruellement défaut.
Les projets présentés sont ambitieux et cohérents. Ils prévoient notamment de libérer davantage le centre-ville des voitures au profit des transports publics. Ce n'est qu'une question de bon sens: sur un espace aussi restreint, les transports publics sont beaucoup plus performants en terme de capacité que la voiture individuelle.
La droite qui prétend défendre le commerce n'a pas encore compris cette simple équation et continue de redouter un centre-ville sans voitures. Un discours qui n'a pas changé depuis 30 ans, époque où les premières zones piétonnes et autres mesures de modération de la circulation étaient décidées. Depuis, nombre d'études le prouvent: en ville, la voiture tue le commerce et les zones piétonnes contribuent  à son développement. Les premiers clients à soigner sont les habitants, qui risquent de fuir (en voiture) vers la périphérie si leur ville n'est pas attrayante et le centre difficilement accessible. Et pour que les clients de Bussigny et Lutry préfèrent faire leurs emplettes à Saint-Laurent plutôt qu'à Léman-Centre, il faut qu'ils puissent y accéder rapidement en transports publics. Car s'ils prennent la voiture, le centre-ville ne sera jamais vraiment concurrentiel.
Les centres-ville ont un atout incomparable sur les centres commerciaux: leur convivialité qui existe par les rencontres que l'on y fait, les cafés que l'on peut y boire dans des bistrots ou sur des terrasses, les pas entre les magasins, la diversité. La voiture, par la place qu'elle occupe et les nuisances qu'elle provoque, est ennemie de cette convivialité.
Les centres-ville ont un désavantage: leur accessibilité en voiture pour qui vient de l'extérieur. Il suffit toutefois de passer un samedi après-midi dans un centre commercial pour relativiser cet inconvénient.
La solution: moins de voitures en ville et plus de transports publics. Ce n'est pas un débat politique, mais de simple bon sens. 

12 janvier 2008

La Vie de Martin

La Vie de Martin, pièce de l'allemande de Sybille Berg, c'est à la fois drôle, cruel... et terriblement réaliste malgré la décalage provoqué par le parti-pris de base: les hommes ont disparu de la surface de la Terre, par leur propre volonté pour ce que l'on en sait. Dieu et la Mort en sont réduits à recréer provisoirement la vie le temps d'une représentation pour les animaux qui ont pris le pouvoir.
L'occasion de nous montrer une petite vie d'humain, tout ce qu'il y a de plus ordinaire et misérable. Entre bêtise et lâcheté, entre obsessions et cruauté, les personnages sont l'intérieur de ceux que l'on croise dans la rue, leur face cachée en représentation pour un couple de ratons laveurs.
A voir à la Grange de Dorigny jusqu'au 20 janvier.

11 janvier 2008

Le grand méchant loup souffla si fort...

Ainsi donc la Municipalité de Lausanne ne dialoguera plus avec le collectif qui avait érigé en parfaite illégalité une maison de paille (censée être expérimentale) sur un terrain communal au milieu de la ville... Enfin, sommes-nous tentés de dire.
Car comment justifier que l'on propose de fournir à des tenants du fait accompli un terrain avant même de disposer d'un projet sérieux? Et comment croire à l'aspect expérimental de la démarche quand elle se fait au mépris des lois? Et comment faire admettre par ailleurs que l'on ne discute pas avec le propriétaire auquel on refuse à juste titre une ouverture en toiture? La loi, toute la loi, rien que la loi. Pas d'autre voie possible sans tomber dans l'arbitraire.
Pour mémoire, la maison a brûlé dans un incendie que les autorités estiment accidentel et le collectif intentionnel. Peu importe, finalement: s'il existe une procédure d'autorisation de construire, c'est entre autres pour contrôler que les normes en matière de construction sont respectées et que la maison peut résister un certain temps au feu, quel qu'en soit la cause. Le non-respect de cette simple règle, et l'absence d'évacuation du bâtiment dès le premier jour de son habitation, aurait pu être à l'origine d'un drame, que la chance a heureusement permis d'éviter.
Le collectif a su s'attirer les sympathies de divers groupes amusés ou réellement intéressés par l'expérience, jusque dans la classe politique, syndic compris. Mais pour être crédible, une expérience doit avoir un réel fondement, poser des objectifs, dire ce que l'on va démontrer. Et si l'expérience n'est possible qu'en dehors de toute demande, de tout dialogue préliminaire, elle est d'emblée vouée à l'échec et surtout sans aucun intérêt. Car à quoi bon une maison de paille qui ne serait pas reproductible ailleurs?
On ajoutera encore que la Suisse ne manque pas de matière première renouvelable pour la construction pour ne pas être obligée de recourir à la paille compactée. La filière locale du bois, malheureusement, n'est capable de fournir que des planches et des poutres - la matière première des chalets, on est au pays de Heidi! - et pas des panneaux de bois compacté, matériau de base des grandes constructions en bois actuelles. Pour construire en bois, il faut le faire venir de Pologne ou d'Ukraine... Dure dilemme pour les tenants du développement durable...

05 janvier 2008

Vive la Poste!

Les fêtes, les cadeaux, le renouvèlement de mon matériel... tout ceci était favorable à la commande en ligne. Et à de petites expériences qui font finalement de la Poste le partenaire le plus fiable et le plus pratique.
Le plus simple: les capsules Nespresso... livrées par la Poste en moins de 24 heures. Et pas de problème en cas d'absence: on peut aller les chercher à un office ou, pour les immeubles équipés, les récupérer dans une grosse caisse fermée avec une clé électronique que vous trouvez dans votre boite aux lettres.
Livres et DVD postés à l'étranger arrivent aussi par la Poste... mais avec des délais parfois étonnants.
Un iPod, qui tiendrait dans une enveloppe, a mis 10 jours à arriver par UPS. C'est long, très long. Mais c'était le seul moyen de l'avoir avec une gravure. Mais surtout, si vous n'êtes pas là, on vous laisse un message selon lequel, après deux nouvelles tentatives, l'envoi sera retourné... Pas très pratique! Reste à trouver un voisin qui sera probablement présent au moment de la deuxième présentation.
Un disque dur est arrivé pour sa part depuis un pays européen non identifié, après avoir passé probablement par d'autres modes de transport, par... coursier à vélo! Il a mis moins de temps que l'iPod, bien que commandé sur le même site Apple... mais certainement stocké ailleurs!
Au bout du compte, pourquoi utiliser d'autres partenaires que la Poste? La proximité à l'arrivée est un grand avantage. Ou quels services la Poste n'offre-t-elle pas pour que les expéditeurs se tournent vers d'autres prestataires? La mise en réseau des services nationaux n'est-elle as assez efficace?
Et l'achat au magasin le plus proche est toujours le plus rapide et certainement le moins consommateur d'énergie...

03 janvier 2008

La foire aux indulgences

Les initiatives se multiplient pour offrir à chacun la possibilité de "compenser" ses émissions de CO2. Qu'il s'agisse de voyages en avion, de viande importée de Nouvelle-Zélande, de rouler en 4x4, de consommer du mazout ou de l'électricité, le marché des indulgences bat son plein. Et pourquoi s'en priver? c'est si bon marché! Je paie moi-même 2 centimes de supplément par kilomètre parcouru avec une voiture Mobility comme contribution à myclimate, un organisme qui développe des projets visant à limiter les émissions de CO2 en réduisant les gaz à effet de serre à la source. Et je paie mes kilowattheures plus cher pour qu'ils proviennent de sources d'énergie renouvelables.
Dernière possibilité de s'acheter une bonne conscience: des cartes coutant de 32 à 70 euros, selon la cylindrée de sa voiture, et qui permettent de compenser ses émissions. Et pour bien montrer à quel point on a l'esprit "citoyen" la carte, autocollante, peut s'arborer sur la voiture "comme un enfant de choeur arbore un Saint-Sacrement", dirait Brassens.
Toutes ces initiatives sont évidemment bonnes à prendre, mais elles ont un effet pervers: la notion de "compensation" est à la fois floue et malhonnête. Car ce qui doit être recherché, c'est avant tout un comportement responsable: nous n'en sommes pas encore à un stade où il suffit de compenser une partie de nos agissements; il faut modifier ceux-ci. Dès lors, faut-il vraiment proposer à la population de se donner bonne conscience en mangeant de la viande ayant traversé les océans en avion? Et pour un prix dérisoire? Ne vaudrait-il pas mieux développer les élevages de mouton en Europe... ou modifier progressivement nos habitudes alimentaires?
Sur le prix, on peut s'interroger. Les émissions d'une voiture moyenne peuvent être compensées avec une vignette à 48 euros (environ 80 francs); sachant qu'un véhicule roule environ 200'000 kilomètres avant d'être remplacé, cela nous fait donc 0,04 centime par kilomètre... Comment se fait-il que je paie 2 centimes par kilomètre à myclimate via Mobility? Et qui nous fera croire qu'il suffit de 80 francs pour compenser les émissions de CO2 pendant tout le cycle de vie d'une voiture.
Les marques vont bientôt nous proposer des véhicules "compensés" en s'engageant à verser quelques dizaines ou centaines de francs par véhicule vendu à un organisme plus ou moins sérieux.
A quand une certification des organisme de compensation?


02 janvier 2008

Fumeuse position

Quelques jours à Turin m’ont convaincu de la pertinence de l’interdiction de fumer dans les cafés et restaurants. Ceux-ci sont loin d’être déserts, l’ambiance y est agréable et les repas s’y dégustent avec un plaisir communicatif... Quelques fumeurs sont bien devant la porte d’entrée pour en tirer une, mais point de va-et-vient gênant.
Partout où cette mesure a été prise - le Tessin fut pionnier en Suisse - aucune baise de chiffre d’affaire n’a été constatée. Les gens semblent rester moins longtemps au bistrot, mais y consomment autant qu’avant. Et qui sait si des non-fumeurs n’y retournent pas après avoir été chassés par des années de consommation passive et obligatoire.
Dans le canton de Vaud, les milieux professionnels sont opposés à une interdiction généralisée. Ils cherchent par tout les moyens à l’éviter ou à en limiter la portée.
Une attitude assez peu intelligente: l’interdiction, plus ou moins dure, finira bien par arriver. Et dans ce cas, autant être le plus strict possible. Sans quoi, la concurrence se fera entre ceux qui auront réussi à la contourner, par exemple en aménageant un fumoir, et les autres.
L’intérêt de la profession est une liberté totale ou une interdiction sévère. Entre deux, c’est la porte ouverte à la combine et à la concurrence déloyale.

En voiture, Simone!

Voilà six mois que j’ai vendu ma voiture, et que je tiens des statistiques pour évaluer mes coûts de transports. Quelques constatations intéressantes.
J’ai parcouru (hors trajets à pied et à vélo), 6973 kilomètres durant cette période. 2564 en transports publics (y compris en taxi, que je considère comme un transport public) et 4409 en voiture, Mobility ou de location.
L’ensemble de ces trajets m’ont coûté 4677 francs, soit en moyenne 67 centimes par kilomètres. Les déplacements en voiture me sont revenus à 78 centimes et ceux en transports publics (taxi compris) à 48 centimes.
Ces chiffres comprennent les vacances (voiture en été, train et voiture en automne).
Il est intéressant de constater que les déplacements en train sont les moins coûteux: 17 à 18 centimes le kilomètre avec un abonnement demi-tarif.
Au total, des coûts kilométriques moyens inférieurs à ceux d’une voiture, du temps pour lire et écouter de la musique et l’accès sans me priver à un véhicule...