28 octobre 2007

Dans les supermarchés, les électeurs

Ces temps de campagne électorale nous ont permis de voir les politiciens à l'œuvre dans les marchés et autres lieux de rassemblement. Les Verts, les plus décomplexés, reconnaissables de loin avec leurs tournesols et leur t-shirts... verts à croix blanche; les socialistes les plus actifs et joyeux; les popistes les plus visibles (mais aussi les plus rares) avec leurs pancartes sur les épaules... et la droite la plus mal à l'aise, attendant l'électeur derrière son stand comme si elle vendait des articles que les badauds s'arracheraient.
Mais un point commun à tous: l'utilisation, et l'animation, du domaine public, lieu de rencontre avec la population. Ou avec une certaine population. Car si les marchés de Lausanne ou de Vevey sont courus, les foules se pressent aussi dans les supermarchés de périphérie. Des lieux pourtant généralement interdits de politique.
Et le problème ne se pose pas que dans les villes. Auparavant, à Avenches ou à Oron, vous croisiez les électeurs dans la rue. Mais ici aussi, Coop et Migros se sont installées hors les murs, pas bien loin certes, mais avec parking et hors du domaine public.
C'est un vrai problème. Déjà que les électeurs ne sortent plus des bureaux de vote depuis le vote par correspondance (qui est une bonne chose), comment les rencontrer s'ils ne sont plus non plus dans la rue, mais dans leurs voitures, entre leur domicile, le fitness et le supermarché? Or ce contact est utile durant une campagne et il permet de maintenir un lien direct entre politiciens et public.
Le seul moyen: puisque les supermarchés sont les nouvelles places de villages, pourquoi ne pas les obliger à mettre à disposition de l'espace que les français appelleraient citoyen, pour que la démocratie, que l'on veut directe dans ce pays, puisse continuer à vivre?

L'Autre Tour, le livre

Je vous avais parlé de L'Autre Tour (de France...). Un livre est sorti qui peut être commandé en ligne et dédicacé.

23 octobre 2007

Une contribution au Sud pour chaque permis de travail accordé...

Alors que la Suisse se réveille un peu plus nationaliste, l'Union européenne envisage positivement l'immigration... C'est face au constat d'une population vieillissante et d'un risque de manque de main d'oeuvre que l'Union européenne prévoit une "carte bleue", en clair un permis de travail et de séjour et une procédure unique d'immigration pour les travailleurs qualifiés.
Ce qui est remarquable, ce n'est pas tant cette unification des règles et des procédures pour attirer les meilleurs cerveaux qui ont tendance actuellement à privilégier d'autres destinations plus attractives. C'est cette manière d'envisager l'immigration positivement, de reconnaitre la nécessité d'attirer des étrangers - plutôt bien formés, certes.
Il n'empêche, la "carte bleue" permettra à son titulaire de sortir de l'Union et de pouvoir y revenir par la suite sans recommencer toute la procédure. Et de ne pas être soumis à des renouvèlements annuels ou à des droits limités en matière de déménagement comme en Suisse. Combien de permis B perdus en Suisse pour un retour un peu trop long au pays natal? Et combien qui préfèrent renoncer à retourner au pays de peur de ne pouvoir revenir en Suisse par la suite pour des raisons administratives?
La Suisse a une politique d'immigration basée sur le principe de la forteresse assiégée. Ce ne sont pas les campagnes de ces derniers mois qui contrediront cette image. Elle court pourtant le risque de ne plus guère intéresser les migrants dont elle a besoin si son image se ternit et si ses procédures en matière d'immigration restent si dissuasives, même pour les cerveaux.
Après la concurrence fiscale, la concurrence de l'immigration?

Et la fuite des cerveaux?
L'ouverture dans ce domaine pose bien évidemment le problème de la fuite des cerveaux des pays pauvres vers ceux du Nord. Nombre de ceux qui viennent se former chez nous ne rentrent pas ensuite dans leur pays d'origine et d'autres fuient ce pays une fois une formation de base acquise. La "carte bleue" européenne ne risque-t-elle pas de favoriser encore ce phénomène?
On nous promet que des mesures seront prises pour éviter ce risque. Il ne faut pas voir la fuite des cerveaux comme un risque uniquement: expatriés, ils contribuent à faire vivre leur famille restée au pays - une solution qui ne peut cependant être acceptable à long terme. Des pays africains misent d'ailleurs sur l'exportation de leurs cerveaux en tablant sur les devises qu'ils renverront par la suite au pays. Ces expatriés peuvent aussi, par des échanges, des parrainages, favoriser la formation dans leur pays d'origine.

Un permis accordé, une aide en faveur du pays d'origine
Mais le phénomène n'en pose pas moins problème: comme dans d'autres domaines, le Nord utilise le Sud comme réservoir de ressources quand il en manque. Dans l'immigration, pourquoi ne pas dédommager le pays d'origine pour chaque "carte bleue" émise? Et pourquoi la Suisse ne ferait-elle pas de même pour tout permis de travail accordé à un ressortissant d'un pays en voie de développement? Une mesure qui ne devrait d'ailleurs pas concerner que les cerveaux: nombre d'étrangers font en Suisse des travaux que les résidents ne veulent plus effectuer.
On se demande d'ailleurs ce que donnerait en Suisse une grève d'un jour de tous les travailleurs étrangers...

04 octobre 2007

Déduire fiscalement les frais de garde des enfants, vraiment?

Il y a des consensus en période électorale inimaginables en d'autres temps. Comme autour de la famille, avec cette proposition qui semble réunir tout le monde... à tel point que l'on se demande pourquoi elle n'a pas été réalisée plus tôt: pour aider les familles, il faut leur permettre de déduire fiscalement les frais de garde des enfants. Ce qui revient donc à diminuer le revenu imposable d'un montant, éventuellement plafonné, correspondant aux frais encourus par les parents pour la garde de leurs enfants.
Dans leur enthousiasme, les personnes qui défendent cette proposition semblent oublier qu'elle ne va pas diminuer le coût de la garde, qui peut rester élevé, mais celui des impôts... N'empêche que, si l'on additionne ces deux éléments, les effets ne correspondent peut-être pas à ceux espérés, en tout cas par la gauche.
Un enfant placé en garderie "coûte" facilement à la structure plus de 120 francs par jour, facturés aux parents en tenant compte de leurs revenus. Les tarifs des crèches et garderies sont en effet la plupart du temps progressifs. Comme l'impôt. Dès lors, en déduisant les frais de garde - plus élevés pour les hauts revenus que pour les petits - on diminue évidemment plus fortement les impôts des contribuables aisés que des contribuables pauvres. Ce qui revient à casser à la fois la progressivité de l'impôt et celle (par ailleurs discutable) des tarifs des crèches et garderies.

Prenons deux familles plaçant un enfant 4 jours par semaine dans une garderie pendant 45 semaines par année. Ce qui fait 180 jours de placement annuels. La première famille, à bas revenu, paie la journée 20 francs et est taxée pour les impôts cantonaux et communaux à hauteur de 5%. La deuxième, aisée, paie la journée 100 francs et est taxée à hauteur de 20%.

La famille à bas revenu, en l'absence de déduction, va donc payer 180 x 20 francs, soit 3600 francs de frais de garde. Avec déduction, elle économise 5% de ce montant, soit 180 francs. Au bout du compte, la journée de garderie, impôts compris, passe de 20 à 19 francs.

La famille aisée, en l'absence de déduction, va payer 180 x 100 francs, soit 18'000 francs, soit 5 fois plus que la famille à bas revenu. Avec déduction, elle économisera 20% de cette somme, soit 3600 francs. La journée de garderie, impôts compris, passe ainsi de 100 à 80 francs.

Où l'on constate que la progressivité du tarif de la garderie, initialement de 1 à 5, passe de 1 à 4,2. Et que là où le plus pauvre économise 1 francs, le plus riche en économie 20... Pour la même prestation et par la conjonction de deux systèmes progressifs.