16 avril 2009

Micro-soutiens

Le vieux passe ses soirées (et ses nuits?) sur une sorte de chaise longue en bambou, dans la cour de sa maison. A 60 ans, il est content de sa vie, estime avoir une belle famille et ses enfants sont bons travailleurs. Lui-même a été employé 30 ans dans la compagnie de chemin de fer Sitrarail qui relie Ouagadougou à Abidjan, essentiellement pour le transport de marchandises. Il a eu la chance de faire des études et d'avoir ainsi eu un bon travail, puis une retraite tenant compte de sa situation familiale: il a dix enfants, tous scolarisés. Les plus âgés ont un emploi: le premier est vétérinaire et le second employé à la mairie; ils contribuent aux coûts de la scolarité de leurs cadets, qui sont au lycée ou à l'école obligatoire.
La maison est grande et la cour vaste. Dans un coin, une des rares lumières du lieu, avec une ampoule étonnamment forte, qui éclaire un tableau noir et une table. C'est ici que les enfants révisent et la place est constamment occupée.
Maminou, qui termine son lycée, est consciente de la chance qu'elle a d'avoir un père aussi clairvoyant, qui est parvenu à scolariser tous ses enfants, ainsi qu'un cousin dont la mère est restée au village. Elle travaille dur, ne sort guère, pour être sûre de réussir ses examens en juin. Elle veut devenir médecin.
Pareille famille est ici exemplaire. Le taux d'alphabétisation est inférieur à 30% , avec une très forte inégalité entre filles et garçons. Quant au taux de scolarisation, il atteint à peine 40%.
Léa fait partie des jeunes qui ne sont pas allés à l'école. Comme tous les Burkinabè, elle maîtrise parfaitement l'argent et sait ce que coûtent deux ou trois marchandises qu'il faut additionner et combien on doit lui rendre (encore qu'elle donne généralement et spontanément la somme juste). Elle n'a aucune difficulté non plus avec les téléphones portables, connaissant le chemin pour parvenir aux principales fonctions. Elle sait par coeur la suite des touches à actionner pour appeler quelques personnes et parvient à composer un numéro écrit sur un papier. Ses parents sont au Mali et sa famille ici se limite à un oncle, avec lequel elle est régulièrement en contact.
Elle semble convaincue par une inscription à une école du soir pour adultes analphabètes. Un projet abordable: 30'000 francs CFA, selon plusieurs sources, soit 75 francs suisses par année. Je lui dis être prêt à financer ce projet, mais ne veux pas simplement lui laisser la somme correspondante. Car si elle sait compter, elle sait aussi dépenser quand elle possède et se restreindre quand elle n'a plus rien. Je rencontre son oncle, qui est analphabète lui aussi, et approuve le projet. On me dit de me méfier et de ne pas lui laisser non plus une somme d'argent pour le paiement de l'école, qu'il risque de garder pour lui.
Il faudra donc que je passe par une tierce personne, de confiance, qui vérifie l'inscription à l'école, et organiser depuis la Suisse un paiement directement à celle-ci.
Et impossible évidemment de correspondre avec Léa ou son oncle par courrier ou par courriel pour suivre ce micro-soutien...
Je mesure toute la difficulté d'une aide de ce genre, individuelle, et la mobilisation nécessaire pour simplement suivre la bonne affectation de 75 francs suisses.
Mon aide à Brahima, l'étudiant de Bobo, est heureusement plus simple à mettre en oeuvre. Il doit rendre un travail de mémoire en juin et ne possède pas d'ordinateur. Ceux de l'Université sont en nombre insuffisant, régulièrement en panne, et n'ont pas d'accès à Internet. J'avais acheté avant de partir pour 400 francs un mini-ordinateur qui me sert à transférer mes photos, les copier sur une clé USB et à me connecter à Internet lorsqu'il y a du Wi-Fi. Je lui dis que je lui en ferai cadeau avant de rentrer. Il m'en parle chaque jour, me demande de lui répéter les fonctions disponibles et les programmes installés. Je crois qu'il attend avec impatience mon départ pour la Suisse.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ciao Pierre!

Plaisir de te suivre dans tes périgirinations aux saveurs pour moi proustiennes!

Bises à Madeleine!

Michel